Au regard des profils des "terroristes" qui ont frappé la France au cours de ces dernières années, il apparaît qu'un critère récurrent serait une origine d'Afrique du Nord, et plus spécifiquement des anciennes colonies ou protectorats français. Que révèle ce fait sur l'analyse des causes du terrorisme en France ? Et quelles sont les "causes " que cet élément permet de minorer ? Claude Robert : Il est difficile de tirer des conclusions universelles mais le fait est que l’analyse du profil de l’ensemble des terroristes qui ont frappé sur le sol français depuis l’affaire Merah montre qu’il y a une conjonction de plusieurs raisons au passage à l’acte. Parmi celles-ci, l’origine d’Afrique du Nord, principalement Maghreb, à l’exception du Mali. Comme le profil de ces terroristes est typique, stéréotypé, il est évident que nous avons affaire à un phénomène multi-causal. Et l’origine géographique semble de toute évidence faire partie des dimensions importantes. Etant consultant international, et pour avoir travaillé dans plus d’une vingtaine de pays (dont plus de la moitié en Afrique), je suis frappé de la vitesse à laquelle, juste en arrivant dans une "ancienne colonie" ou un "ancien protectorat", le comportement des gens à l’endroit des Français trahit instantanément la qualité de l’historique qui les lie à l’hexagone. A la réaction des gens dans la vie quotidienne, très vite, il est facile de déterminer si cet historique a été "digéré", accepté, s’il est considéré comme positif, s’il est encore mêlé de ressentiment, ou carrément s’il est vécu sur le mode amour/haine. Car il existe bel et bien un contentieux avec certains pays, et l’origine très localisée des terroristes n’est vraiment pas surprenante. Mais ce n’est bien évidemment pas le seul critère, car ce processus de passage à l’acte semble très complexe, hélas… Pierre Vermeren : J'ajouterai une autre caractéristique : la quasi-totalité d'entre eux ont pratiqué d'une manière ou d'une autre la délinquance. Et dernière caractéristique : ils sont très souvent issus de milieux très défavorisés et en situation sociale périlleuse. On est très loin des ingénieurs qui ont préparé et réalisé le 11 septembre, qui étaient des Égyptiens ou des Saoudiens de milieux familiaux plutôt aisés et de milieux culturels plus élevés. C'est un profil radicalement inverse. Ce sont des enfants d'immigrés de 2e ou 3e génération, très pauvres… qu'il ne faut pas confondre avec les recruteurs. C'est une erreur assez commune. Avec de tels profils, de personnes ignorant l'islam voire ignorant la culture arabe et qui n'ont la plupart aucun accès à la langue arabe à part quelques bribes d'arabe dialectal, on peut constater la fausse route empruntée par l'idée de la déradicalisation. Car il y a ignorance de la religion mais en revanche une manipulation par de bons connaisseurs – gourous ou idéologies salafistes On confond ici la cause, qui est l'Islam politique révolutionnaire au Moyen-Orient et Maghreb, et ses dérives, avec le matériau humain qui est utilisé et manipulé et a une autre histoire, celle de la délinquance, de la pauvreté, de la drogue, celle des origines familiales, l'absence de culture etc. La question de l'origine des terroristes me semble être une fausse route. Les jeunes musulmans en France sont quasiment tous originaires du Maghreb (Algérie, Tunisie, Maroc). Cela reflète la population des banlieues en France. Il y a quelques exceptions avec Amedy Coulibaly qui est originaire du Mali. On trouvera peut-être un Comorien ou un Turc, mais la masse restera maghrébine dans des pays comme la France, la Belgique, l'Espagne ou les Pays-Bas où ils sont majoritaires. Et on voit d'ailleurs qu'en Angleterre, où l'immigration musulmane est majoritairement issue de l'Inde et du Pakistan, ce sont des personnes issues de ces pays qui passent à l'acte. Les gens qui construisent ces réseaux ou qui les manipulent agissent en opportunité. Ils savent très bien que ces jeunes en difficulté sociale, matérielle, facilement manipulables sont à disposition pour eux. Ils en font des bombes humaines ou autres.