L’affaire Duvalier démarra en 1986 – au lendemain de la chute de l’ancien dictateur Haïtien – lorsque le nouveau régime en place adressa à la Suisse une demande d’entraide en vue d’identifier et de bloquer les avoirs de Jean-Claude Duvalier et de son entourage. À la suite des coups d’État qui s’étaient succédé en Haïti, les autorités haïtiennes n’avaient toutefois pas été en mesure d’apporter à la Suisse les éléments de preuve au soutien de leur demande, ce qui avait conduit l’Office fédéral de la justice à décider, le 15 mai 2002, à mettre fin à l’entraide. Cependant , afin d’éviter que les avoirs suisses des Duvalier – d’un montant de 7,6 millions de francs – ne reviennent à la famille de l’ancien dictateur, le gouvernement suisse procéda au blocage des fonds. Cette mesure politique sera d’ailleurs renouvelée à plusieurs reprises. Finalement, en décembre 2008, le Conseil fédéral a reconnu la nécessité de légiférer en la matière et chargea le Département fédéral des affaires étrangères d’établir un projet de loi visant à faciliter la restitution des avoirs illicites aux pays spoliés dans le cas des Etats défaillants. C’est dans le contexte que sera adoptée, en 2010 , la “loi fédérale suisse sur la restitution des valeurs patrimoniales d’origine illicite de personnes politiquement exposées”. Cette loi autorise les autorités suisses à confisquer, de manière autonome, des avoirs illicites (i.e. sans attendre un jugement de condamnation dans l’Etat d’origine), dès lors que l’Etat d’origine n’est pas capable de mener à son terme une procédure d’entraide judiciaire en raison de la défaillance de ses institutions. Sur cette base, le Tribunal Fédéral a ordonné la confiscation des avoirs de Duvalier, en décembre 2013, ouvrant ainsi la voie pour leur restitution au profit du peuple Haïtien. Cette loi (également connu sous le nom de « Lex Duvalier ») sera par la suite enrichie, afin d’appréhender d’autres situations de défaillance, telles que celles rencontrées dans le cadre du printemps arabe. Au final, en matière de grande corruption, les états d’origine n’engagent, le plus souvent, aucune action à des fins de recouvrement (ou bien ne parviennent pas à les mener valablement à leur terme). Aussi, les règles de partage figurant dans notre Code procédure pénale tout autant que les règles de restitution édictées par le CNUCC, n’ont quasiment jamais vocation à s’appliquer, ou bien, s’agissant des règles de partage prévues par notre Code de procédure pénale, lorsque celles-ci s’appliquent, ce n’est très vraisemblablement qu’au profit d’Etats tiers. En d’autres termes, la confiscation des produits de la grande corruption se trouvant en France, emporte, le plus souvent, transfert - le cas échéant total (confiscation autonome) ou partiel - de la propriété au profit de l’Etat français. Or, si l’on conçoit aisément que l’absence de gouvernance, voire l’état de défaillance des Etats d’origine, rendent (légalement) impossible le partage ou la restitution des avoirs illicites à leur profit : en revanche, rien ne justifie que les avoirs ayant fait l’objet d’une décision de confiscation ne soient pas mis au bénéficie des populations victimes, qui sont, rappelons-le, les premières victimes de la grande corruption. Toute autre solution ne peut que constituer une « double peine » ; les populations victimes payant en effet, non seulement pour la corruption de leurs élites dirigeantes, mais qui plus est, pour les dysfonctionnements de leur appareil judiciaire. D’où l’importante question de l’affectation des avoirs.