mercredi 21 mai 2014

Le marin et Gulliver

J’ai fait une sortie en mer, sur trimaran de course, avec Gulliver. C’est très étrange, mais le skipper qui était avec nous n’a cessé de me parler des aventures maritimes de Gulliver. C’est troublant lorsque l’on est à fond sur l’eau. Puis à terre, je me suis souvenu. Jonathan Swift (1667-1745), pamphlétaire irlandais, mêle dans ses récits autant de fantastique que de raison. Il ouvrira la voie à des auteurs tels qu'0scar Wilde, Lewis Carroll et même Edgar Poe. Les voiliers tiennent une place importante dans son œuvre. Notamment dans la brillante satire sociale et politique : Les Voyages de Gulliver. La description des navires et de leurs manœuvres démontre une connaissance approfondie du sujet. C'est lors de son deuxième voyage que Lemuel Gulliver, chirurgien de marine, rencontre et surtout décrit la tempête à bord du voilier qui le transporte : étant homme très expérimenté dans la navigation de ces mers, il nous ordonna de nous préparer pour le lendemain à une terrible tempête: ce qui ne manqua pas d’arriver. Un vent du sud, appelé mousson, commença à s'élever. Appréhendant que le vent ne devînt trop fort, nous serrâmes la voile du beaupré et mîmes à la cape pour serrer la misaine ; mais, l'orage augmentant toujours, nous fîmes attacher les canons et serrâmes la misaine. Le vaisseau était au large, et ainsi nous crûmes que le meilleur parti à prendre était d'aller vent derrière. Nous rivâmes la misaine et bordâmes les écoutes; le timon était dévers le vent, et le navire se gouvernait bien. Nous mîmes hors la grande voile; mais elle fut déchirée par la violence du temps. Après, nous amenâmes la grande vergue pour la dégréer, et coupâmes tous les cordages et le robinet qui la tenaient. La mer était très haute, les vagues se brisant les unes contre les autres. Nous tirâmes les bras du timon et aidâmes au timonien qui ne pouvait gouverner seul. Nous ne voulions pas amener le mât du grand hunien parce que le vaisseau se gouvernait mieux allant avec la men et nous étions persuadés qu'il ferait mieux son chemin le mât gréé. Voyant que nous étions assez au large après la tempête, nous mîmes hors la misaine et la grande voile, et gouvernâmes près du vent; après nous mîmes hors l'artimon, le grand et le petit hunier Notre route était est nord est; le vent était au sud-ouest. Nous amarrâmes à tribord et démarrâmes le bras de dévers le vent, brassâmes les boulines, et mîmes le navire au plus près du vent, toutes les voiles portant. Pendant cet orage, qui fut suivi d'un vent impétueux d'est sud ouest, nous fûmes poussés, selon mon calcul, environ cinq cents lieues vers l'orient, en sorte que le plus vieux et /e plus expérimenté des mariniers ne sut nous dire en quelle partie du monde nous étions. On ne peut que constater que, hormis les prières de Panurge, le récit de la tempête n'est guère différent suivant qu'il s'agit d'une caraque rabelaisienne ou d'un brick du 17e siècle. Mais aussi que la mer, les bateaux et les marins sont des supports de satyres politique et sociale. Le mythe du marin qui échappe à sa condition terrestre. Mon skipper avait raison. C’est rare de trouver un skipper obnubilé à ce point par Gulliver. Dans tous les cas je vous le recommande, il est excellent pour barrer son bateau et profiter d’une excellente sortie sur trimaran de course (suivez le lien pour son contact).